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La nouvelle bombe démographique

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L’auteur de cet article est consultant auprès du gouvernement des USA (il a, par exemple, influencé Condoleeza Rice, quant à l’Iran).

Nous ne publions pas ce texte en raison d’une quelconque adhésion à son contenu, mais parce qu’il nous paraît révélateur d’un certain état d’esprit des élites étasuniennes, voire d’une stratégie sous-jacente.

La rédaction de Fortune

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D’ici à 2050, la démographie du monde va beaucoup évoluer et pose de nouveaux problèmes, bien différents de ceux de la surpopulation.

Il n’est pas possible de parler du développement économique sans évoquer une constante majeure : la démographie.

Dans un essai qui vient de paraître («The New Population Bomb, The Four Megatrends That Will Change the World», Foreign Affairs, janvier-février 2010), le professeur Jack A. Goldstone résume avec une pertinence décapante les enjeux d’un monde en pleine transformation, mais très largement sous-estimés.

Il rappelle qu’il y a quarante ans tout juste, le biologiste Paul Ehrlich lançait un cri d’alarme qui marqua les esprits. Au rythme actuel, écrivait-il, l’explosion de la population mondiale conduit à une famine massive à l’horizon des années 1970. Ce pronostic, qui marqua les esprits, ne s’est pas produit ; la révolution verte et le planning familial permirent de l’éviter.

Selon Jack A. Golstone, la «bombe» démographique demeure, mais elle a changé de nature. Ce n’est pas tant la surpopulation que l’on doit redouter mais l’inégalité de son développement qui engendrera des tensions nouvelles ; en particulier, l’accroissement spectaculaire des habitants dans une majorité de pays pauvres et le vieillissement des vieilles nations industrialisées.

Selon le scénario démographique médian de l’ONU, le «pic» démographique sera atteint vers 2050. La Terre comptera alors 9,15 milliards d’habitants ; la population des pays dits riches reculera d’un bon quart et induira probablement un vaste mouvement de migrations en provenance des pays les plus pauvres et en grande majorité musulmans.

Pour la première fois de l’Histoire, près de 70% des habitants seront concentrés dans des villes dont la plupart naîtront dans les régions les plus démunies.

Au début du XVIIIème siècle, environ 20% des habitants vivaient en Europe (Russie incluse). Avec l’industrialisation et les progrès de la médecine, l’Europe et les Etats-Unis, nouvel Eldorado des XIXe et XXe siècles, l’accroissement démographique fut spectaculaire (quadruplement). Ainsi, en 1913, l’Europe comptait davantage d’habitants que la Chine.

Mais, très rapidement, le «boom» démographique s’est étendu, parallèlement, au reste du monde. En 2003, les populations combinées de l’Europe, des Etats-Unis et du Canada représentaient encore 17% de la population mondiale; cette part baissera à 12% d’ici à 2050, soit à un niveau légèrement inférieur à celui du XVIIIe siècle.

En termes de richesses produites, l’inversion des tendances est tout aussi spectaculaire : la part des pays les plus riches (Europe, Etats-Unis, Canada) culmina à 68% en 1950 pour se stabiliser à 47% en 2003. Ce déclin relatif va s’accentuer : on estime que, d’ici à 2050, 80% de la richesse du monde sera produite dans les pays en développement, notamment sous l’effet d’une classe moyenne dont le pouvoir d’achat augmentera de 200%.

Les grands équilibres démographiques vont d’autant plus diverger que le monde dit riche va connaître un vieillissement prononcé. En 2050, environ 30% des Américains, des Canadiens, des Chinois et des Européens auront plus de 60 ans (40% au Japon et en Corée du Sud). Ce vieillissement aura des répercussions majeures sur le nombre de personnes en âge de travailler et leur capacité à générer des richesses.

A l’inverse, l’accroissement démographique se poursuivra de manière forte dans les pays les plus pauvres d’Asie, d’Amérique latine et d’Afrique où vivront 9 enfants sur 10 âgés de moins de 15 ans. Cette concentration des forces jeunes sera très mal répartie : elle sera le fait de 24 pays, dont un peu moins de la moitié sera située en terre musulmane.

Selon Jack A. Goldstone, l’inégalité économique et le contraste démographique diviseront le monde en trois blocs : les vieux pays industrialisés, les pays en développement rapide (Chine, Inde, Brésil, Indonésie) et les pays démunis (Nigeria, Pakistan, Philippines) qui vivront dans une forme de développement anarchique, un urbanisme extensif et propice aux gangs et mafias.

Le premier monde vieillissant (Europe, Etats-Unis, la Chine à partir de 2030) devra négocier des accords avec le second (Brésil, Iran, Mexique, Thaïlande, Turquie) et le troisième monde, très pauvre.

Le monde des nouvelles puissances émergentes sera le pivot d’une nouvelle architecture mondiale, qui s’esquisse avec le G-20 dont la création, écrit Jack A. Goldstone, n’est pas une conséquence de la crise financière mais bien davantage la reconnaissance implicite du poids politique du Brésil, de la Chine, de l’Inde, de l’Indonésie, du Mexique et de la Turquie.

A terme, l’OTAN, qui regroupe pour l’essentiel des pays en déclin démographique, devra songer à s’étendre à d’autres régions du monde.

Pour l’Europe, il devient impératif d’imaginer une immigration des pays qui bordent la Méditerranée et d’inclure la Turquie qui pourrait servir de trait d’union avec le monde musulman. [Note de Fortune : nous rappelons que cet article n'est pas de nous !]

L’Afghanistan, théâtre d’un affrontement entre les «trois mondes» décrit par Jack A. Goldstone, cristallise, à lui seul, l’enjeu. On compte actuellement 28 millions d’Afghans ; ils seront 45 millions en 2025 et 75 millions en 2050. La stabilisation économique et politique du pays, où 20 millions d’habitants naîtront dans les 15 prochaines années, illustre le défi de la gouvernance mondiale, dont l’architecture est encore fondée sur les grands équilibres de la Guerre froide.

Jack Goldstone conclut par ce constat des grands bouleversements qui ne sont pas encore présents dans les esprits : «Jamais, depuis 1800, l’essentiel de la ­croissance économique n’avait été généré en dehors de l’Europe, des Etats-Unis et du Canada. Jamais autant d’habitants de ces régions n’ont été aussi âgés. Et jamais, les pays les plus pauvres n’ont été si peuplés et urbanisés. Mais ce sera la tendance démographique majeure et inévitable du XXIe siècle. Les stratégies de développement économiques héritées du XXe siècle sont obsolètes. Il est temps d’en trouver de nouvelles.»

Le Temps


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